jeudi, mars 18
Erratum
Le Deuxheuresquarantesix a trouvé son maître. Le Troisheuresdouze. Là, on y est. Au fond.
posted by J at 03:13 -

time relative
J'ai trouvé le creux. Le vrai de la nuit qui fait peur. Je regarde cette horloge et il est 2 heures 46 depuis au moins mille ans. Les mecs de l'AFP dorment. Ils dorment. Même les sombres correspondants des pays où il fait jours respectent la trêve. LCI muette déverse ses infos en boucle. L'homme de ménage vide les poubelles de l'actu d'hier, de toute à l'heure, de y'a deux minutes. Tout est grave, mais ca passe. C'est merveilleux, la radio, ce délicieux amoncellement de paroles paroles paroles. Lourdes légères. Cet esprit de vin en mode ondulatoire. Cette carapace de sérieux sur le vide. Tiens, le creux est passé. Faut que j'aille donner les nouvelles, comme dirait ma grand-mère qui m'écoute d'ailleurs. La plupart des autres personnes restant persuadées que c'est enregistré.
posted by J at 02:55 -

mercredi, juillet 16
Sudden awareness
Viens de comprendre subitement le sens profond de la pédagogie sadique d'un certain Denis B., dont l'enseignement à l'école a consisté le plus clair de l'année à nous infliger toutes sortes de sévices idiots pendant qu'on essayait de synthétiser en douze secondes des dépêches AFP aussi chiantes que possibles : harcèlement moral, coupures inopinées d'électricité ( ha ha fallait sauvegarder ), Feux de l'Amour volume de la télé à fond, agrémenté de France Info également à douze mille décibels.
Bien que j'estime toujours que ledit pédagogue en ai tiré une indéniable jouissance personnelle, l'application pratique de ces expériences m'est apparue aujourd'hui dans son éblouissante évidence. Non seulement il faut se taper des synthèses sur tout-ce-qui-s'est-passé-en-Irak-depuis-la-fin-de-la-guerre, mais en plus garder l'oreille attentive aux blagues échangées entre les collègues, histoire de montrer qu'on sait répliquer un peu ( de toute façon au bout de 20 minutes de silence le collègue en question de manque pas de lancer "elle est bien discrète cette petite", gentille allusion dont il faut se méfier tout de même tant est glissante la pente qui mène ici du "discret" au "tristounette", puis au fatal "réboussiere" ), le tout sur fond sonore télévisé, et pas nécessairement LCI, non, mais l'intégralité de maints feuilletons de M6. Sans oublier de réguliers plantages informatiques donnant lieu à de mémorables chapelets d'insultes en langue du cru.
Aidé par l'entraînement de haut niveau acquis grâce à ce cher maître, j'ai pu tant bien que mal effectuer avec une application un brin fébrile un papier qualifié par le Chef de "pas mal du tout".
De joie, je me suis gavé de petites madeleines au choco prodiguées par mon collègue et désormais débonnaire allié ventripotent, qui se fait appeler "Fifi".
posted by J at 23:11 -

Bienvenue chez les bisounours
C’est là. Une énorme paquebot « moderne » comme on dit ici, flanqué d’un petit bois de pins privatif, s’il vous plaît, avé dessus le porche bien marqué « Midi Libre », pour qu’on soit sûr. Ca fleure bon son monopole régional de l’information. Encore plus dedans. Sans avoir vu âme qui vive sinon deux trois lapins dans le bois, j’entre dans le hall grand comme vingt mille terrains de foot, glacé comme une clim mal réglée, vide comme dans un épisode de la quatrième dimension. Bon, j’ai compris, le rez-de-chaussée ne sert à rien sinon à indiquer le prestige d’un lieu qui peut se permettre de réfrigérer des milliers de mètres cubes d’air tandis que dehors le soleil s’échine depuis des jours à rendre tout effort surhumain.
Guère rassurée par la glaciation en cours dans le hall, je m’aventure à l’étage de la rédaction, non sans avoir poireauté les trois quarts d’heure d’avance que je pensais indispensables à mon premier jour. Un gros bonhomme pataud m’accueille d’un irréprochable accent, me serre la pogne, avant de m’annoncer qu’on « allait faire un peu de formation » avec le ton qu’un grand-père adopte pour annoncer une visite au zoo à son petit dernier. Comme il le dit à une collègue SR sur ce ton badin dont je comprends vite qu’il représente l’unique modalité de communication dans la boutique, « je lui apprends en une heure ce que vous les vieilles vous mettez trois mois à comprendre. »
S’ensuit une conférence de rédaction plus que détendue, blaguasse, je te chambre tu me chambres, oh gégé c’est quoi ce papier de tête, dis donc lisette tu vas encore nous sortir un de tes sujets sciences là, wouoh fan tu trouves que c’est un sujet vacances ça …et à un moment sans qu’on s’en rende compte celui que j’ai identifié comme le chef se demande juste ce qu’on va mettre en une, avant d’opter presque aussitôt pour la sécheresse. Dans la suite de l’après-midi, je découvre la fine équipe de quinquagénaires bedonnants et barbus qui va m’entourer pendant deux mois de sa bienveillance paternaliste et de son redoutable accent, apparemment ravis de pouvoir me raconter leurs diverses batailles de Verdun. A mon avis, dans deux jours, pour tout le monde, je serai « cette petite », comme c’est déjà le cas pour le Chef au cigare. Je repars non sans avoir bu un coup de blanc, oh là dis petite tu vas pas refuser ça, offert en l’honneur d’un départ en vacances. Bon. Ca s’annonce plutôt bien. Ils arrivent même à faire un journal par jour.
Ce soir sur la plage du grand travers, mes pieds nus s’imprimant sur la grève chaude et moelleuse, humant cette douceur quasiment palpable du soir, libéré de sa chappe de soleil, je considère ma chance avec une insolente satisfaction. Plus que deux mois.

posted by J at 00:13 -

vendredi, juin 27
Nombres relatifs, nombres complexes
Une demi-tranche de jambon : 4 F
Un tiers de baguette : 2 F
4,23 cm ² de salade : 1 F
1,2 g de beurre : 0,5 centimes
Le sandwich en bas du bureau : 30 balles.
Même en euros ça fait cher.
J’aime le 6ème arrondissement.
Les boulangers doivent avoir des balais à chiottes plaqué or.

posted by J at 00:44 -

jeudi, juin 26
Rosebud alive
Me suis dégotté soudainement un job temporaire à plein temps au service d’une minuscule maison d’édition comme il se doit sise dans le so littéraire 6ème arrondissement. Le jeu consiste à trouver cent noms d’ingénieurs d’accord pour raconter leur vie leur œuvre, le tout en vue d’un opuscule qui leur sera consacré. Je m’y colle avec ardeur – salaire alléchant oblige - en compagnie d’une collègue de bureau improvisée absolument idéale, complètement drôle, et tout à fait dépourvue de traces d’hystérie. La boîte est rocambolesque. Comme on sacrifie tout pour l’adresse ( à croire qu’au-delà du boulmich les éditeurs se transforment en citrouilles ), le bureau principal et les assistants à l’intérieur sont très compacts. En entrant on pense immédiatement à leur offrir le catalogue Ikéa, page « solutions malines pour petits espaces » ou ce genre d’intitulés sirupeux. Comme on sacrifie le reste pour le standinge, le bureau du boss est large, frais, en bois cher genre teck, occupé principalement par un bouquet de fleur et un e-book assorti. D’ailleurs, l’équipement hétéroclite fait se cotoyer une antique photocopieuse et des macs rebondis flambant neuf, mais déjà plein de miettes ( parce qu’on n’a pas le temps de déjeuner, sauf le boss, re-standinge ). Les gens aussi sont bizarres et mal assortis, qui se croisent avec difficulté dans le couloir trop étroit en trimballant quarante dossiers. Une secrétaire dépressive, une assistante bcbg revêche d’abord ( du genre qui insulte la maintenance informatique parce qu’un mail est pas passé ) mais capable d’authentiques pétages de plombs en privé, un jeune homme de fonction indéterminée, du genre Charles-Edouard trop riche sait pas quoi faire papa lui a trouvé une occupation, dont l’incompétence notoire passe curieusement inaperçue. Pour finir le boss, Citizen Kane en plein et en gentil, hénaurme, les pieds sur le bureau ( en teck ), le téléphone scotché à l’oreille, manque que le cigare, s’excuse de vous faire attendre en offrant le champagne, perpétuellement débordé, organiquement inorganisé.
Illogique jusqu’au bout, nous deux, à côté de ça, même pas en cédédé, logées dans un bureau acheté au premier étage pour s’agrandir, avec de la place pour cinq, trois ordi, quatre téléphones, des livres dans la cuisine, des mikos à la fraise dans le frigo, et, source intarissable de mystère depuis hier, une pile de caisses de champagne dans la salle de bains. Ca pourrait être pire, franchement.

posted by J at 00:34 -

lundi, juin 23
Return of the prodigal friend
Samedi, quelque part au milieu de la onzemillième mouture de l’élaboration d’une stratégie « cette année, on réussit notre fête de la musique ». Entre les fanas du parcours « chanson » de Zurban, les accros du programme Parisien, et les adeptes de la Liberté ( « ouais y’a qu’à se balader on verra c’qu’il y a ), le énième plan foireux du 21 juin se profile à l’horizon. Je repense à l’époque où la fête de la zicmu représentait l’horizon indépassable de tous les fantasmes lycéens : de la nuit, de la bière, la permission de une heure et surtout l’occasion de contempler en gloussant le torse de G. le batteur de « Ephéméritude », le groupe des Terminale B 22, sorte de référence interclasse de la cote de popularité, spécialistes exclusifs des reprises de l’intégralité du répertoire de Téléphone. C’était probablement le jour où on avait l’impression d’avoir le plus vécu de toute l’année.
Un coup de fil me tire de ces remémorations peu engageantes. C’est M., mon amitié la plus ancienne. A quatre ans, on a appris à danser ensemble. Aujourd’hui, elle fait partie de la troupe la plus convoitée au monde, celle de Pina Bausch. Chaque printemps, elle se pose à Paris, entre deux avions, deux capitales. Comme chaque année, elle m’a prévu une place. Pile le bon jour.
Je file au théâtre avec mon laissez-passer. Les portes vitrées se referment derrière moi sur les premiers battements de la fête, et sur la dernière chance des frénétiques qui cherchent une hypothétique place libre. Je rentre dans ce monde, fébrile des émotions qui m’attendent, qui arrivent, qui me bouleversent comme à chaque fois. La salle avide se régale du mystère. Pleure devant le solo déchirant de Dominique Mercy, corps arraché au vide, sur une mélopée gutturale dont chaque note perce le cœur. Les garçons, comme toujours ahurissants de sensualité, dansent tout leur saoûl, à en déchirer leur chemise immaculée, trempée de sueur. On voit les jambes des filles sous des robes couture en voiles transparents multicolores. Elles marchent, altières, rendent fous les hommes, dansent au sommet de leur art. Le spectacle s’achève sur M., mon amie d’enfance devenue cette beauté sculpturale sanglée dans une robe blanche, qui fige les regards sur sa danse animale, explosions de grâce suivies de lentes arabesques qui montent au ciel comme des flèches pures. Le son des violons se brise si net qu’il fait venir des larmes. La salle hurle debout, qu’elle aime, que sa vie est changée. M. me reconnaît, me fait un clin d’œil, je la retrouve un peu.
Plus dure sera la chute. Il faut attendre M. dans le café, écouter sa mère se gargariser de la vie de sa fille en pensant qu’elle ne doit pas lui laisser tellement d’oxygène, saluer les danseurs, faire un signe de tête à des gens importants, dire des compliments qui sonnent faux à tout le monde. Il ne reste que peu de temps pour demander à M. comment elle va. Et encore moins de temps pour sa réponse, dont l’ambiguïté me laisse perplexe.
Je rentre à pied à contre-courant de la foule, essuyant les invites peu amènes de types bourrés dans des golf GTI tunées, fulminant contre les taxis et les fausses promesses de la RATP, le tout soutenue au téléphone par H., lui aussi perdu dans la nuit. Ne regrette rien de rien de la fête ratée. Ma mauvaise humeur décourage un mec chelou rencontré dans l’avenue Daumesnil déserte. Je repars en me prenant pour Wonder Woman. Me couche en me demandant ce qui n’a pas marché en danse.

posted by J at 17:02 -

mercredi, juin 18
Swinging thirties
Ai décidé de traîner mon désoeuvrement chez Jacques Henri Lartigue, qui montre ses albums photos à Beaubourg. On y contemple la vie délicieuse de gens non moins délicieux. Une sorte de pub pour les années 30. Côté riche. On s'appelle forcément Loulou, Dédé, Gabi ou Renée. On fait de la gymnastique suédoise en complet veston à Trouville, ou des batailles navales en tonneau dans la mare du château de papa. C'est fou ce qu'ils ont l'air déconnants, tous ces dandys. A l'époque, mes grands-parents faisaient les mêmes blagues en caleçon long sur la plage de Palavas-les-Flots. La beauté des petites amoureuses de Lartigue, carré cranté et bouche peinte, respire l'extrême sophistication. Derrière leur voilette, au Bois, ou sur la terrasse du Négresco, toutes pétries de morgue aristocratique dans leurs fourrures, leurs manchons, leurs plumes, leurs corsages lourds. Des hommes au sourire carnassier leur donnent le bras, les emmènent en voiture dans des usines à gaz, les étreignent au tango. L'air de se foutre de tout, royalement. Lartigue est ressorti de deux guerres frais comme un gardon, avec une seule écorchure au genou, récoltée "à la chasse au papillon", dit-il. Avec sa frénésie d'instantanés ( prononcer comme aux informations Pathé ), je me demande s'il n'a pas passé plus de temps à photographier sa vie qu'à la vivre. C'était mieux, avant, ou quoi ?

posted by J at 23:15 -


The unoutofherwayable

Birth : 28-04-79
Location :Paris
Job :Etudiante-journalisme
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